Pierre Parlant

Pouvez-vous donner une brève définition du détournement ?

Désactiver pour réactiver. Geste et figure nécessaires de la crise du sens, elle-même inséparable de l'institution dudit sens, quel qu'il soit. Dès lors, détourner est finalement une procédure très ordinaire. Mais elle relève néanmoins d'un type particulier de perception. Elle se fonde sur le malentendu nécessaire et ambiant qu'elle sait repérer pour le ruiner au nom d'un effet de degré supérieur. Le détournement consiste finalement à rendre une chose à ce qu'elle n'est pas. Effet de vitesse, effet de vérité. Le tour sait profiter des tours usés. L'originalité du détournement procède donc du fait qu'il s'engage en toute connaissance de cause et le fait savoir.

Pourquoi le pratiquez-vous ?

Je ne suis pas sûr de le pratiquer réellement. Je ne suis pas sûr de pouvoir m'y soustraire.
Et sauf à risquer une régression à l'infini, toute réponse à cette question est forcément impossible à formuler.

Comment le pratiquez-vous ?

Je ne suis ni ne veux être un expert de l'acte. Si cela m'arrive, en détourant, c'est la moindre des choses.

Quelle place occupe-t-il dans votre travail ?

La place du mot manquant. Détourner est souvent le pis aller d'un détour qui foire.

Quelle est la place du détournement dans la création littéraire et artistique actuelle ?

Sur ce terrain précis, je ne sais pas. Je remarque seulement que le marché y a trouvé une arme précieuse et redoutable lorsqu'il a compris, via la communication généralisée qu'il déploie, que le désir pouvait être l'objet même à détourner.