Qui est-il ? D'ou vient-il ?
Jules Van le saboteur
Exclusif
Le récit exclusif de la naissance de Jules
Pendant un an ce douteux personnage, anonyme, animé du plus mauvais esprit publie dans le quotidien Libération une chronique régulière où il n'est question que de vol à la tire, de sabotages et de désordre. Chaque semaine, sous le titre provocateur de VRAI ART NOUVEAU (VAN) ce ne sont que récits de fauche, malversations, jeux désordonnés avec appel aux lecteurs à participer. Ce qu'ils s'empressent de faire. Un, puis dix, puis cinquante Jules VAN envoient pendant toute l'année 75 divers aperçus de leurs « uvres » : la façon dont ils trafiquent leur compteur EDF pillent les grandes surfaces, détériorent ou détournent leur outil de travail... Ceci, sans honte aucune et avec l'arrogance d'artistes présentant leurs meilleures toiles.
Une vaste galerie dite d'art nouveau se constitue ainsi au fil des semaines où sont exposés les plus jolis « coups » reçus - entendez les plus pendables - et mille autres jeux inventés par Jules et ses lecteurs pour, ricanent-ils, « vivre plus intensément ».
Comment des individus sains d'esprit et de corps ont-ils pu concevoir une si horrible créature, un art si pervers, c'est ce que notre journal vous présente aujourd'hui en exclusivité.
Le 5 janvier 1975, deux équivoques personnages, Jules et Julos, complotent dans un vieux bistrot parisien. Ils broutent ferme la mousse épaisse de leurs bières, fument de noirs cigares puants et l'on entend parfois s'élever leur rire sardonique et des bribes empoisonnées de leur conversation.
-Je m'ennuie ferme dans ce journal, dit Julos, grand échalas au regard troublé par l'ivresse, c'est le moment ou jamais d'y lancer une ignoble rubrique vantant les vertus du sabotage, les milles et une ruses pour moins travailler, la désobéisssance sans civilité, tu vois de quoi j'cause, toi l'anartiste.
Jules, beau moustachu au fort accent de Marseille, regarda soudain Julos d'un il allumé, se redressa d'un seul coup et murmura, vibrant d'émotion,
-Julos, mon poto, milladiou si je vois ! Mais c'est le feu sacré que je vois, écoute, rendez -vous ici, demain, ici, même heure, même troqsif, tu vas voir ce que tu vas voir.
Et il partit à toute allure. Quelle idée terrible venait donc de germer dans sa diabolique cervelle ?
Le lendemain donc, ils se retrouvèrent dans le même café devant quelques pichets de gnoles fortes et suçant parfois d'oblongues cigarettes à l'âcre fumée. Jules était excité comme un joueur de pétanque après un carreau réussi. Il portait un grand carton dont il sortit une grande feuille où était peint, en lettres égyptiennes, VRAI ART NOUVEAU puis un court manifeste signé d'un certain jules VAN : « Malversations ».
-Voilà, dit Jules, c'est le sabotage comme du grand art, fini la politique Julos, de l'art vivant, des actes de génie. Je t'explique. C'est un texte d'appel à des récits de sabotages. De gauche. De malversations. Au sens strict : des détournements. VRAI ART NOUVEAU, tu apprécieras le titre j'espère. Tu publies le tout rapidement, tu signes d'un certain Jules VAN (vrai art nouveau), personnage clandestin, et tu attends les réponses. Tu publies les plus beaux coups la semaine suivante et réitère l'appel, le titre et fait vivre Jules Van. Ça te va ?
- Si ça me va, mais c'est du gâteau Jules chéri, VRAI ART NOUVEAU, c'est un titre génial. Et Jules VAN un personnage déjà entré dans l'histoire. J'en vois déjà dix de ces Jules prêts à raconter leurs petites horreurs. Je lance ça lundi dans Libé et advienne que foutra...
Le lundi suivant le manifeste était publié et Jules Van naissait. Il allait vivre un an relancé chaque semaine par les pires lecteurs de Libération et la plume alerte de Julos.
Mais qui était Jules alias Julien Blaine alias Viart, un agitateur de la presse parallèle, un cracheur de journaux enflammés, à la fois poète, anar, fasciné par les indiens, son journal Géranonymo publiait des histoire troublantes de manequins jetés dans la Seine, des BD fort perverses et des ruses de Sioux.
Julos alias Julos bricolait chaque matin les pages « culture » de Libération, il rêvait d'un journal mégalo, comploteur public, réalisant ses propres coups de presse ce lançant des actions. Il était hanté par l'espoir de Libération encore jeûnot : être le quotidien d'une subversion quotidienne.
Jules et Julos étaient faits pour s'entendre.
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