Malversation
Le premier manifeste du Vrai Art Nouveau

Déjà dans de nombreuses boîtes, officines et usines la « malversation » règne au bénéfice du travailleur ; chaque jour il invente un truc nouveau pour se faire du fric sur le dos du patron, chaque jour, l'inspiration se développe dans la pratique du sabotage d'un boulot dont il ne récolte que les fruits desséchés. Le beau fruit mûri au soleil de son travail permettra au patron de rouler en Mercédès et d'entretenir sa chasse en Sologne et à l'Etat de transférer ses préfectures et d'entretenir à coup de subventions ses PDG chéris.
Dans les allées vosgiennes du textile, un jeu est à la mode, c'est un concours ouvert chaque semaine et dont la gagnante est celle qui ramène à la maison le plus beau coupon de tissu. Quand on est tout juste payé au SMIG cela s'appelle de la légitime défense, dans les galeries du bas de la ville de New York de l'art conceptuel.
A la SNCF, il y a des Picasso de la combine : des mecs qui oublient de poinçonner les billets des grands T.E.E. et autres trains de banlieue et qui les revendent au quart ou au huitième du tarif à des chevelus désargentés ; c'est tout bénef pour les cheminots et drôlement avantageux pour le chevelu qui en a marre des parcours en stop.
Aux PTT aussi, quand ils ne luttent pas plus radicalement, il y a des Renoir de l'esbrouffe : ceux qui envoient Le Figaro aux abonnés de L'Huma et vice-versa par simple échange de bande.
Dans les hypers et les supers(marchés), il y a des caissières qui font de l'art collectif avec leurs amis clients et là, c'est duraille ; cela procure des sensations autrement plus sauvages et violentes que les toiles de Goya. Vive le pop art mes sœurs, vive le pop art.
Et dans l'imprimerie, c'est bourré de génies aussi ; il y a ceux qui burinent tel ou tel cylindre pour faire apparaître de grandes trainées sanglantes sur les linges hygiéniques de publicité de Modes de Paris.
Il y a les sacs de ciment soi-disant détruits par la pluie et que l'on vend demi-tarif au copain maçon.
Il y a les mauvaises récoltes qui n'ont pas été aussi pourries que cela.
Il y a les coquilles des « mauvais » journalistes qui changent tout le sens d'un article dégueulasse.
Il y a les appels de tel ou tel contingent qui sortent pièce par pièce de quoi prendre un jour les armes.
Il y a...
Il y a 1 000 trucs...
C'est ça le nouvel art du peuple ; ce peut être ça l'invention populaire, l'art prolétarien en société capitaliste ; un art qui lutte, un art qui empêche un P.D.G. tout poil de gagner plus ; aux S.A., S.A.R.L. et autres saloperies anonymes d'acquérir encore mieux de la plus-value.
Du cubisme à l'art conceptuel, l'histoire de l'art de ce siècle est aussi chiante qu'une table de multiplication parce que l'invention et le génie créatif ne sont plus du côté de ces « écoles » ; les grands visionnaires, les splendides maudits, c'est fini.
L'invention et le génie créatif sont populaires quand l'entreprise roule et que la lutte n'est pas radicale ; l'invention c'est les mille et une façons d'exercer la malversation, les mille et un trucs pour voler le patron, les mille et une manières se marrer à ses dépens.
On ne va pas nous demander d'exposer ça dans les galeries-rive-gauche ni dans les musées d'art moderne des capitales européennes, mais ce qu'on aimerait dur comme fer, c'est que Libé devienne le catalogue des plus beaux coups, le glossaire des combines en or et des détournements les plus spectaculaires soit au niveau du fric rapporté, soit au niveau du coup plus somptueux ou le plus marrant.
Ecrivez-nous anonymement, bien sûr, sans citer le nom de votre boîte, juste son « secteur d'activité ».
Tenez-nous régulièrement au courant.
Ecrivez à Jules VAN (Vrai Art Nouveau) c/o Libération.




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