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Au pas de course, j'ai escaladé un refend calcaire bordant le parking argileux où je viens de garer ma voiture. Je voulais absolument la voir. La voir d'ici. De ce point-là et de cet angle, à l'ouest de l'étang. Pour cela, il m'a fallu sortir du village, grimper tout droit sur la hauteur, m'élever de quelques dizaines de mètres. Passer les dernières maisons, les haies, les arbres des jardins. M'élever encore, prendre la direction des tennis. J'étais pressé. J'avais marché dans les rues à la recherche d'un point de vue, sans rien voir. La montagne jouait à cache-cache avec moi. Je suis revenu au centre ville, hésitant. Me suis adressé à une commerçante, lui ai demandé ce qu'elle en pensait, si on la voyait d'ici. Elle a essayé de m'aider gentiment. Savait tout juste de quoi je parlais. N'était pas de la région. Personne ne lui avait jamais posé la question. Elle-même, ne se l'était pas posée. Je menais l'entretien, précis, rapide. Sans doute devait-elle s'interroger sur ce besoin impérieux ? Voir la Sainte-V. depuis La Fare ? Cela avait-il du sens ? Un touriste ? Non, même pas. Qui, alors ? Pourquoi ? Je lui demandais encore comment accéder à cette colline au bas de laquelle le village avait été construit. Elle m'indiqua la route à suivre. N'était pas sûre vraiment que je puisse la voir... En revanche, me dit que je verrais la plaine et l'étang... J'ai couru de roche en roche, le long du plan inclinée. Un jeu d'enfant, comme à Ceyreste. La même végétation, les mêmes odeurs, les mêmes affleurements calcaires, les mêmes broussailles. L'espace d'un instant, je me souviens avoir pensé ça, que j'étais chez moi dans ces collines ; que mon corps était rompu à la brutalité et à l'aridité de ce terrain. Que j'avais pu l'oublier, toutes ces années où j'étais, malgré moi, devenu citadin ; mais que mes racines étaient bien-là et pas ailleurs : dans ces foutues collines qui bridaient, ridaient partout le département. J'ai débouché sous un pin. La montagne était là, au loin, pile dans l'axe ! Son triangle étincelait sous la lumière rasante, surmontant de proches reliefs couverts de pinèdes. J'ai vu ce que je voulais voir. Son verso pentu, son versant vert, se profilaient à demi, perspective nouvelle. J'ai pivoté dans tous les sens et balayé largement l'horizon. Un fléchissement du vent annonçait le soir. Je l'ai détaillée encore, lentement, longuement, gravant cette vue dans ma mémoire. Puis, j'ai pris trois-quatre photos, sans beaucoup d'application, et suis redescendu prestement.



 

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