(2)


Vue de l'ouest, de profil donc, la montagne est un triangle parfait posé sur des soubassements aux courbes adoucies – collines qui la devancent de ce côté, et par degrés, sur deux rangs, pareilles à des sous-couches ou des coussins aplatis – répliques amoindries de la forme qu'elles imitent, mollement, un ton en dessous.

La perspective arrière instaure la vision du surgissement de cette vague, montant vers la crête comme la pente d'un toit. La longue falaise se refuse, invisible sous cet angle, qui nous la montre, trois-quarts dos, dans sa gangue forestière (la pinède drue y tisse un pelage bleu-vert). Bizarrement, les lignes de force de ce versant figurent un M géant, qui semble, en basculant, s'être appuyé sur le ciel. Le M de Massif, couché dans cette position, cette constante inclinaison, pèse sur la charnière de la Sainte (l'arête du sommet, la somme des arêtes). Ainsi, la ligne de crête, creusée au milieu et pointue à ses deux extrémités, esquisse un M, le M de Montagne, un peu gauchi par la torsion de ses extrêmes ; un peu déformé par la retombée de la lettre.

Si son dos paraît entièrement recouvert, le triangle, lui, se présente tel que. Face nue, escarpée. Coupe franche, luisant de l'éclat de ses strates : bloc accore de roches claires, clivées, que la lumière crémeuse enveloppe, à cette minute, de roses excessivement pâles, de blancs cassés et de beiges. S'y raccorde ensuite un ensemble de basses éminences et de vallonnements peu marqués, dont une majeure partie saturée de pinèdes qui courent sur des kilomètres jusqu'aux abords du village. Tout près, sur les hauteurs de la Fare, les premières villas émergent d'entre les pins. Leurs crépis pastels ou blancs crachent sous le soleil. Deux rangées de collines se succèdent encore. Sur la seconde, mourant à mes pieds, quelques pins et oliviers trouent la garrigue constellée de caillasses et de roches. Le ton est donné : le vert fonce depuis la muraille que frappent maintenant les rayons déclinant. La Sainte rutile, rayonne sur tout ce bazar. Je la contemple une ultime fois et m'arrache. Aucun angle ne délivre une vérité d'ensemble. Le monde est depuis longtemps fragmenté et la perception se nourrit de ses morceaux épars.



 

Nature

Biographie

Questionnaire